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Vous y trouverez le texte de mes prédications.
Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
Mon souhait est simplement qu'ils puissent alimenter, même modestement, votre méditation de la Bible et qu'ils attisent votre appétit de cette Parole vivante, inépuisable, que Dieu adresse à chacun d'entre nous.

lundi 22 août 2016

Prédication du dimanche 21 août 2016 - L’Ecclésiaste : rester en marche avec Dieu

Qu’est-ce qui pousse tant de gens, l’été, à abandonner le confort de leur logement pour aller bivouaquer sous la tente, au coeur de la nature, dans des conditions rudimentaires ? L’amour pour les beaux endroits et le sport, certainement. Pour certains, c’est aussi une façon de prendre du recul - et apprécier à nouveau le confort quotidien après s’en être un peu privé, sans grand risque. 

Dans le livre du Lévitique, Dieu a ordonné aux Hébreux de célébrer une fête précisément en lien avec ces deux thèmes : la prise de recul et la reconnaissance pour ce que Dieu nous donne. 
C’est la fête de Sukkoth, appelée aussi « fête des tabernacles » ou fêtes des « tentes », des « cabanes ». Une des trois principales fêtes juives encore aujourd’hui.
A l’occasion de la fête des Tentes les juifs bâtissent une petite cabane dans leur cour, jardin ou encore sur leur balcon et ils doivent y vivre une semaine. 
Pourquoi des cabanes ? 
Parce que la fête célèbre premièrement la fin des récoltes, et c’est de là sans doute que vient la tradition des cabanes : lors des vendanges, on dressait dans les vignes des petites cabanes, des huttes de branchages, dans lesquelles on résidait le temps des récoltes. 
La fête est aussi un rappel de la sortie d’Égypte et plus précisément les quarante années au cours desquelles les Hébreux vécurent dans le désert en route vers la Terre sainte, guidés par Moïse. Pendant tout ce temps-là, les Hébreux avaient habité dans des tentes, ou des huttes
La cabane doit rappeler que les demeures des Hébreux au désert étaient provisoires > Elle doit donc obligatoirement être une construction temporaire; dressée à l’occasion de la fête, puis ensuite démontée.

Rappel que Dieu prend soin de son peuple et lui donne toutes choses.
Rappel que la vie ici bas est temporaire, qu’elle est une marche, un pèlerinage vers le Royaume. 

Pourquoi cette introduction « culturelle » ? Parce que traditionnellement, un livre de la Bible était lu à l’occasion de cette fête, et que je voudrais aborder avec vous : le livre de l’Ecclesiaste - Qohéleth. 

« Vanité des vanités, tout est vanité ». Peut-être connaissez vous cette formule de l’Ecclesiaste ? « Il y a un temps pour tout ». « Dieu fait toutes choses belles en son temps ». 

De nombreuses paroles bibliques célèbres sont extraites de ce livre, mais picorer des versets sans considérer l’ensemble risque toujours de conduire à des contresens. 

Car ce livre de la Bible, sans équivalent dans la littérature, est un poème de sagesse complexe, surprenant, déstabilisant même, tant il apparaît plein de contradictions. 
Pessimiste pour certains, sceptique pour d’autres - Qohéleth semble douter de tout. Certains se demandent même ce qu’il fait dans la Bible tant il semble remettre en question la foi en Dieu elle-même !
Mais le fait qu’on le lise pour Sukhot nous donne une indication sur la façon de l’interpréter : tous ensemble, on lisait ce livre comme un rappel que l’essentiel n’est pas ici, mais qu’il est nécessaire de jeter le regard en avant, dans l’attente de Dieu, car si tout est vanité, tout aussi est don de Dieu et que lui seul est la direction qui donne sens au chaos de ce monde. 

Lançons nous dans un modeste survol du livre, en deux temps, qui vous donnera j’espère envie de le lire par vous-mêmes. 

A. Chapitres 1 et 2 : premier constat : « tout est vanité, futilité, fumée » ! 

1Paroles de Qohéleth, fils de David, roi à Jérusalem.

2Futilité complète, dit Qohéleth, futilité complète,
tout n'est que futilité !

3Quel avantage l'être humain retire-t-il de tout le travail qu'il fait sous le soleil ?

4Une génération s'en va, une génération vient,
et la terre subsiste toujours.

5Le soleil se lève, le soleil se couche ;
il aspire au lieu d'où il se lève.

6Allant vers le sud, tournant vers le nord,
tournant, tournant, va le vent,
et le vent reprend ses tours.

7Tous les torrents vont à la mer, et la mer n'est pas remplie ;
vers le lieu où ils coulent, les torrents continuent à couler.

8Tout est fatigant, plus qu'on ne peut dire ;
l'œil n'est pas rassasié de voir,
l'oreille ne se lasse pas d'entendre.

9Ce qui a été, c'est ce qui sera ;
ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera :
il n'y a rien de nouveau sous le soleil.

10Y a-t-il une chose dont on dise : Regarde, c'est nouveau !
— elle était déjà là bien avant nous.

11Il n'y a pas de souvenir du passé,
et ce qui sera dans l'avenir ne laissera pas non plus de souvenir
chez ceux qui viendront par la suite.

12Moi, Qohéleth, j'ai été roi sur Israël à Jérusalem. 13J'ai décidé de rechercher et d'explorer par la sagesse tout ce qui se fait sous le ciel ; c'est une occupation funeste que Dieu impose aux humains.

14J'ai vu toutes les œuvres qui se font sous le soleil : tout n'est que futilité et poursuite du vent.

15Ce qui est courbé ne peut être redressé, ce qui manque ne peut être compté.

16Je me suis dit : Moi, j'ai développé et amassé plus de sagesse que tous ceux qui m'ont précédé à Jérusalem, et mon cœur a vu beaucoup de sagesse et de connaissance.

17J'ai décidé de connaître la sagesse et de connaître la démence et la folie ; je sais que cela aussi n'est que poursuite du vent.

18Car avec beaucoup de sagesse on a beaucoup de contrariété ;
plus on a de connaissance, plus on a de tourment.

Chapitre 2

1Je me suis dit :
Allons ! je vais te mettre à l'épreuve par la joie,
tu verras ce qu'est le bonheur.
Eh bien, même cela n'est que futilité.

2Du rire j'ai dit : C'est de la démence !
et de la joie : A quoi bon ?

3J'ai résolu de me faire plaisir avec le vin, tout en me conduisant avec sagesse, et de m'attacher à la folie jusqu'à ce que je voie s'il est bon pour les humains d'agir ainsi sous le soleil pendant le nombre des jours de leur vie. 4J'ai fait de grandes choses :
je me suis bâti des maisons ;
je me suis planté des vignes ;

5je me suis fait des jardins et des parcs,
et j'y ai planté toutes sortes d'arbres fruitiers ;

(…)

7J'ai acheté des esclaves et des servantes,
et leurs fils nés dans la maison ;
j'ai possédé du gros bétail et du petit bétail en abondance,
plus que tous ceux qui étaient avant moi à Jérusalem.

8J'ai aussi amassé de l'argent et de l'or,
de précieux trésors des rois et des provinces.
J'ai acquis des chanteurs et des chanteuses,
et, délices des hommes, beaucoup de femmes.

9Je suis devenu grand, j'ai surpassé tous ceux qui étaient avant moi à Jérusalem,
et ma sagesse demeurait avec moi.

10Tout ce que mes yeux ont réclamé, je ne les en ai pas privés ;
je n'ai refusé aucune joie à mon cœur ;
(…)

11Et moi, je me suis retourné vers toutes les choses que mes mains avaient faites,
le travail pour lequel j'avais tant peiné :
tout n'est que futilité et poursuite du vent,
il n'en résulte aucun avantage sous le soleil.

(…)

15Je me suis dit :
Le sort de l'homme stupide m'attend, moi aussi ;
pourquoi aurai-je alors montré, moi, davantage de sagesse ?
Et je me suis dit que c'est là encore une futilité.

(…) 17J'ai donc détesté la vie, car pour moi l'œuvre qui se fait sous le soleil est mauvaise, puisque tout n'est que futilité et poursuite du vent ».


Le livre commence par l’évocation du parcours personnel de Qohéleth, le « sage » - sans doute Salomon lui-même, connu pour sa sagesse, roi ayant effectivement connu la plus grande richesse, les femmes et aussi l’idolâtrie. 

Qohéleth a expérimenté toutes choses et sa conclusion est sans appel : « tout est vanité, tout est fumée, vapeur ». Courir après le pouvoir, l’argent ou même la sagesse, c’est courir après le vent. Au final, la mort attend tout le monde. 

Pessimiste ? Non. Qohéleth est un homme qui veut rester en marche, qui cherche la vérité. C’est un croyant qui cherche Dieu profondément et ne veut pas se laisser détourner par de fausses croyances. 
Alors, dans sa recherche de vérité, il regarde la vie comme elle apparaît à chacun, « sous le soleil ». Voilà ce qui se passe, il faut regarder les choses en face honnêtement : « le sage meurt comme le fou » ; etc. 

Et ça secoue ! Rien n’échappe à la remise en question : ni la sagesse, ni l’argent, ni le travail, ni les plaisirs, ni même la religion ! …  
Qohéleth lui même reconnait qu’il a été secoué, poussé au désespoir - mais son but n’est pas de nous y entraîner : son but est de remettre sur la table toutes les fausses sécurités, toutes les fausses croyances qui nous détournent de la vie telle que Dieu l’a voulue - tout ce qui nous détourne de Dieu. 
Avouons-le, il n’est pas facile pour nous non plus de faire certains constats. Les épreuves de la vie finissent toujours par bousculer certaines « certitudes » que nous nous étions forgées - l’idée qu’un chrétien aurait la vie plus facile que les autres, que la prière écarterait tous les obstacles, qu’une bénédiction spéciale s’attacherait à ceux qui aiment Dieu et les ferait échapper aux virus, au chômage, à la perte… 
Mais quand ces choses-là arrivent quand même, que nos prières semblent sans effet, que Dieu ne change pas nos analyses médicales et que l’accident de voiture se produit malgré « il gardera ton départ et ton arrivée »… alors l’Ecclesiaste nous encourage à recevoir ces choses comme elles sont, sans y ajouter une souffrance spirituelle - 
sans avoir peur que leur existence remette en question celle de Dieu : oui, la vie est pleine de contradictions, de drames et de mystères, mais cela ne remet pas Dieu en question. Ni son amour. 

Oui, aucune de nos sécurités ne tient totalement dans ce monde, et Dieu semble terriblement absent souvent - mais en même temps il fait ce constat mystérieux de la réalité de l’intervention de Dieu : Dieu est celui qui donne, nous donne tout ce que nous avons - et Dieu est aussi le juste juge, celui par qui tout a un sens

En somme, face aux épreuves que nous rencontrons, l’Ecclesiaste nous encourage : ces épreuves ne remettent pas Dieu en cause, elles démontent au contraire nos fausses croyances, nos fausses sécurités - nos systèmes où tout doit rentrer dans des cases bien définies, alors que la vie échappe toujours à nos prévisions et que Dieu seul connait le fin mot des choses. 


B. Le bonheur en Dieu

En somme, l’attitude indiqués par Qohéleth consiste à ne pas s’attacher à des illusions afin de rester en marche vers Dieu, vers la Nouvelle Création promise.
Ne pas se construire des bunkers ou des palais, mais continuer à vivre sous une tente, car notre véritable demeure, celle où nous serons parfaitement en sécurité, est encore à venir, lorsque Dieu établira son Royaume. 
Et dans cette marche, recevoir avec reconnaissance tout ce que Dieu nous donne

Telle est la voie du bonheur. 

« Il n'y a de bon pour l'être humain que de manger, de boire et de voir le bonheur dans son travail ; moi, je l'ai vu, cela vient de Dieu.
26Car à celui qui lui est agréable, il donne la sagesse, la connaissance et la joie ; mais au pécheur il donne pour occupation de recueillir et d'amasser, afin de donner à celui qui est agréable à Dieu ». 

Le bonheur : Le bonheur : à chercher en Dieu seul, en profitant de la vie avec discernement. 
Recevoir la vie, la nourriture, le travail… comme un don de Dieu. Et lui rendre grâce - cf fête des moissons. 
« Je sais pourtant, moi aussi,
qu’il y aura du bonheur pour ceux qui craignent Dieu,
parce qu’ils ont de la crainte devant sa face,
13mais qu’il n’y aura pas de bonheur pour le méchant
et que, passant comme l’ombre, il ne prolongera pas ses jours,
parce qu’il est sans crainte devant la face de Dieu ».

et je fais l’éloge de la joie ;
car il n’y a pour l’homme sous le soleil
rien de bon, sinon de manger, de boire, de se réjouir ;
et cela l’accompagne dans son travail
durant les jours d’existence
que Dieu lui donne sous le soleil » (8)

« 10Ecarte donc de ton cœur la contrariété,
éloigne le malheur de ta chair ;
car jeunesse et fraîcheur ne sont que futilité.
1Souviens-toi de ton Créateur pendant les jours de ta jeunesse »
Le bonheur : faire la volonté de Dieu, obéir à ses commandements. 

Ecclésiaste 12 : 13-14 : « 13 Ecoutons la conclusion de tout le discours : Crains Dieu et observe ses commandements. C'est là tout l’humain. 14 Car Dieu fera venir toute œuvre en jugement, pour tout ce qui est caché — que ce soit bien ou mal ».


C. Jésus, la réponse attendue

Ainsi, dans tout le livre, Qohéleth fait le constat des contradictions qui apparaissent dans ce monde, sans forcément donner d’explications. Une seule certitude : Dieu est à l’oeuvre, et nos systèmes humains ne peuvent l’enfermer. Ils sont tous insuffisants, et si nous y accordons trop d’importance, cela nous enferme à notre tour, et nous détourne du vrai bonheur avec Dieu. 

La réponse que Qohéleth attendait, Dieu l’a quand même donnée : c’est Jésus-Christ, le « dernier mot » de Dieu, venu révéler le coeur de Dieu lui-même. 

Il est, lui seul, notre sagesse. Le chemin, la vérité. Celle ci n'est pas juste un système de croyances, un ensemble de dogmes, mais une personne, Jésus, que personne ne peut prétendre détenir ou circonscrire. En même temps, en lui nous est donné tout ce dont nous avons besoin pour marcher dans ce monde - sous la tente, dans la fragilité du pélérinage, mais conduit pas la sûre main du Dieu d'amour et de grâce. 
Alors, nous qui sommes trangers et voyageurs sur la terre", continuons la route, en restant vivants - profondément vivants comme Qohelet a voulu l'être, à la suite de notre maître. Il nous conduit vers le seul lieu de totale sécurité, les " nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice habitera". 


Amen 

Prédication du dimanche 31 juillet 2016 (suite aux attentats de Nice et de St Etienne du Rouvray) - Matthieu 5. 43- 48 : Résister à la haine, comme de véritables enfants de Dieu


Mercredi dernier, Notre Dame de Paris était pleine pour la messe en hommage à Jacques Hamel – le prêtre tué mardi dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray. 
Et plusieurs personnes venues y assister ont été interrogées par le journal Le Monde
Beaucoup ont dit leur recherche de paix intérieure, et surtout leurs sentiments mêlés. 
« J’ai besoin d’aide pour faire taire mes plus mauvais instincts », dit l’une. « J’ai eu vraiment peur d’être submergée par la haine, confie une autre. « Je viens chercher ici la force de résister à cette exaspération haineuse que je vois et que j’entends autour de moi ». 

Résister à la haine. Ce mot d’ordre a été celui de tous les chrétiens interrogés ces derniers jours. Plusieurs ont dit : « les chrétiens n’ont d’autre arme que l’amour et le pardon ». 
C’est vrai. Mais difficile à entendre et à accepter parfois, comme pour cette femme qui, lorsque lorsque le cardinal parle de « pardonner à ses ennemis », sort exaspérée de la cathédrale, hausse les épaules en pestant : « Je ne veux pas entendre parler de ça ! ». 

« Ca », pourtant, c’est à la lettre l’enseignement de Jésus. Dans le « sermon sur la montagne », où il pose les fondements de la vie chrétienne, le Christ prononce ces paroles fameuses qui résonnent depuis deux mille ans comme un défi lancé à la face du monde : 

Matthieu 5. 43- 48 : 
43 Vous avez appris qu'il a été dit: « Tu aimeras ton prochain et tu détesteras ton ennemi. »
44 Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous détestent] et priez pour ceux [qui vous maltraitent et] qui vous persécutent, 45 afin d'être les fils de votre Père céleste. En effet, il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. 46 Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Les collecteurs d'impôts n'agissent-ils pas de même?
47 Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d'extraordinaire? Les membres des autres peuples n'agissent-ils pas de même?
48 Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait.

Certainement, quand Jésus a prononcé ces paroles pour la première fois, beaucoup sont aussi partis en disant : « je ne veux pas entendre parler de ça ! ». Aucun conseil de Jésus n’a été plus difficile à suivre que celui-ci. « Aimer ses ennemis ? Mais dans quel monde vit Jésus ? Pense t’il que c’est vraiment comme cela que ça marche, et qu’on va parvenir à régler nos problèmes ? De l’idéalisme un peu naïf, voilà ce que c’est ».

Pour le philosophe Nietzsche, ces paroles étaient même la preuve que le christianisme est une religion de lâches et de faibles. 
J’ai envie de dire : si nous nous utilisons ces paroles comme un parapluie contre l’engagement et la prise de position, alors oui, nous donnons raison à Nietzsche. 
Mais en réalité personne n’a été plus fort et courageux que Jésus-Christ, qui nous appelle ici à résister à la haine avec courage. Mais pour cela, c’est vrai, il nous fait nous placer dans une drôle de position : à la fois debout… et à genoux !

Debout, comme Jésus qui donne ce commandement justement parce qu’il a bien les pieds sur terre », qu’il sait comment va le monde, qu’il sait que la haine ne produit toujours que la haine, que comme le disait Marin Luther King : « Rendre haine pour haine multiplie la haine, ajoutant une obscurité plus profonde encore à une nuit déjà privée d’étoiles. L’obscurité ne peut chasser l’obscurité. Seule la lumière le peut »

« Vous avez appris… » la vengeance et la riposte, dit Jésus. C’est bien cette triste leçon que notre coeur nous récite spontanément : oeil pour oeil, dent pour dent. L’Etat Islamique connait la force destructrice de cette haine et c’est bien pour cela qu’il cherche à l’exciter en nous, notamment contre les musulmans de France, afin que la société se fissure de l’intérieur. Ce projet n’est pas secret, ils l’exposent clairement sur Internet. 
Cet objectif du terrorisme islamiste est d’autant plus facile à atteindre qu’il va dans le sens de ce que nous avons appris. Aimer « ceux qui nous aiment », et détester nos ennemis.  
Et où cela nous a-t’il menés ? 
Combien de royaumes construits sur la violence et le rejet sont aujourd’hui totalement disparus ? Alors que le royaume de Christ, construit sur l’amour, continue à s’étendre. 

Jésus, debout, affirme donc que pour résister à cette haine destructrice il faut toute la force d’un engagement d’amour, que la seule parade est dans une réponse d’amour résolue, engagée : « aimez vos ennemis » et même plus : « bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous détestent, priez pour ceux qui vous maltraitent et vous persécutent ».
Et ce commandement est devant nous, disciples de Christ, comme une parole incontournable.  
Jésus dit même que c’est notre identité de chrétiens qui est en jeu : « afin d'être les fils de votre Père céleste », ajoute-t’il. Cela signifie qu’être enfants de Dieu implique d’avancer sur cette voie, sinon « que faites-vous d'extraordinaire? Les membres des autres peuples n'agissent-ils pas de même ? ». 
Or notre appel, en Jésus, est bien d’être « parfaits comme (notre) Père céleste est parfait» (48).
Jean dit la même chose : « quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. 8Celui qui n'aime pas n'a jamais connu Dieu, car Dieu est amour » (1 Jn 4.7-8).

Aucun « bon sentiment » ici, mais un défi qu’il nous faut relever. 

Mais en même temps, nous ne pouvons le relever… qu’à genoux, dans la dépendance à Dieu. Debout - et à genoux en même temps. 
D’abord parce que Dieu seul peut nous en rendre capables, 

Ensuite, parce que sa façon à lui d’aimer ses ennemis est l’exemple que nous devons suivre. Jésus ne dit pas autre chose ici : regardez comment votre Père céleste aime ses ennemis et imitez le. 
Comment Dieu agit-il, alors ? 

En premier lieu, son amour n’est pas sentimental : le mot agape qui désigne l’amour ici évoque une volonté forte de chercher le bien de tous, d’oeuvrer pour la vie comme Dieu le créateur oeuvre. Ainsi Jésus ne dit pas : estimez vos ennemis. Trouvez-les sympas. Voyez leurs bons côtés. Ce serait impossible. MLK, face au racisme et aux menaces de mort, le disait déjà : « comment pourrions nous estimer une personne dont le but avoué est de nous anéantir, qui menace nos enfants et fait sauter nos maisons ? ». Mais l’amour dont parle Jésus est plus grand que l’estime. 
C’est aussi un amour qui n’exclue pas la colère, et réclame la justice. Croire qu’aimer ses ennemis implique de se mettre à plat ventre devant eux, en n’osant pas prendre la parole face à eux - c’est une erreur. Qu’a fait Jésus devant les Pharisiens, devant les marchands du Temple ? 
De fait la colère de Dieu éclate dans toute la Bible avec puissance. Mais cette colère du Dieu amour n’est jamais de la haine, car elle ne vise pas à détruire le pécheur, à le mettre plus bas que terre - mais à l’amener à se mettre à genoux pour reconnaître sa folie et revenir ainsi dans la voie de l’amour.  
Seul moyen pour que les ennemis de Dieu, devenus ses amis par leur repentance, soient remis debout par le Dieu de grâce. Comme Paul le persécuteur l’a été. Comme tant d’entre nous. 

Cette colère d’amour est puissante, et dirigée avant tout contre le mal - c’est à dire contre tout ce qui détruit les hommes, et les éloigne de l’amour. 
C’est la colère d’un Père attristé de voir ses enfants se faire du mal, partir dans l’obscurité pour se perdre - et déterminé à agir avec puissance pour qu’ils puissent revenir à lui. 
Une telle colère contre le mal que nous infligent nos ennemis est légitime, et nous n’avons donc pas à la refouler : il est juste d’être en colère contre ces crimes infâmes et contre ceux qui les commettent, de même qu’il est juste d’être en colère contre ceux qui en réponse encouragent la haine et la division. 

En même temps, être les enfants du Père céleste nous amène à reconnaître que cette colère ne nous donne aucun droit sur les autres. Même le statut de victime ne nous autorise pas à nous venger. Dieu seul est juge. Dieu seul aime parfaitement et juge parfaitement. Sa colère est parfaitement amour, et son amour parfaitement juste. 
C’est pourquoi, même debout face à nos bourreaux, exprimant notre refus du mal, nous sommes en même temps à genoux  pour remettre toute sentence entre les mains de Dieu, le seul juge. 

Paul, reprenant les paroles du Sermon sur la Montagne, dit ainsi aux chrétiens de Rome, pourtant persécutés pour leur foi : « Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas. (…) 
17 Ne rendez à personne le mal pour le mal. Recherchez ce qui est bien devant tous les hommes.
18 Si cela est possible, dans la mesure où cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes.
19 Ne vous vengez pas vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit :  C'est à moi qu'appartient la vengeance, c'est moi qui donnerai à chacun ce qu'il mérite, dit le Seigneur.
21 Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Romains 12.14-21)

Deux tentations stimulées par Daesh résonnent avec ce texte :

D’abord, celle de « faire justice soi-même », une tentation que la dévalorisation des institutions et du pouvoir dans notre société, encourage - « puisque les politiques et la police ne font rien, on va s’en occuper nous mêmes ». « On va prendre les armes ». Paul au contraire nous demande de respecter les autorités en nous concentrant sur ce qui est la part des enfants de Dieu : travailler à la paix, bénir les autres hommes

« C’est insupportable, mais nous n’allons pas prendre les armes, nous allons prier », a dit un prêtre suite au meurtre du père Hamel. 
Debout et à genoux en même temps. 

Deuxième tentation : les amalgames injustes
C’est la nature même du terrorisme : avec lui l’ennemi n’a pas de visage - comment alors « l’aimer », lui « faire du bien » ? 
Déjà, en ne tombant pas dans cet autre piège que l’Etat Islamique nous tend, et qui est celui d’attribuer nous même un visage à l’ennemi : le visage du musulman innocent croisé dans la rue, le visage du migrant, le visage de l’étranger… 
On sait combien « cette exaspération haineuse » évoquée par quelqu’un déforme le jugement
A l’époque de MLK, des chercheurs ont même étudié la façon dont des personnes « de race blanche, normales, aimables et sympathiques avec les autres blancs, réagissaient de manière incroyablement irrationnelle et déséquilibrée dès qu’il s’agissait de penser aux Noirs comme à des égaux… » ! 
L’Etat Islamique veut aussi encourager ce type de réactions envers tous les musulmans, et il nous faut reconnaître humblement, comme les personnes interrogées à Notre Dame de Paris, que nous sommes vulnérables dans ce domaine.

Mais si nous voulons rester enfants du Dieu juste, il nous faut chercher à être justes nous aussi, comme l’écrit encore Jean  : « c'est en cela que les enfants de Dieu et les enfants du diable sont manifestes : quiconque ne fait pas la justice n'est pas de Dieu, tout comme celui qui n'aime pas son frère » (1 Jn 3.10).
Et encore une fois, « faire la justice » c’est d’abord obéir au commandement de Dieu de l’aimer de tout son être et d’aimer son prochain comme soi-même. 

Ainsi donc, comme l’amour de Dieu est fort et patient, il nous faut être debout, courageux dans notre engagement. 

Debout pour dénoncer publiquement et fermement toutes les formes de mal, d’oppression, de haine. 
Debout pour agir concrètement contre les injustices, sociales notamment, qui favorisent la dérive vers la violence et l’intégrisme religieux. 
Debout pour dire haut et fort, comme l’a fait le Pape François mercredi, que la solution n’est pas dans la guerre entre les hommes mais dans la paix avec Dieu, par Jésus-Christ
Et à genoux pour chercher notre sécurité en Dieu seul, et « laissant agir la colère de Dieu », résister dans la prière aux mouvements de rejet et de haine à l’oeuvre dans la société.
Plus que jamais, « gardons les yeux fixés sur Jésus », notre modèle, notre  secours et notre guide dans ces temps troublés. 
 
Il est le seul à avoir vécu de façon parfaite l’amour pour ses ennemis. Lui-même victime de la haine et du fanatisme, il a quand même prononcé sur la croix cette prière d’amour et de pardon : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ».
Cette prière exprime le choix radical de Dieu à la croix : détruire ses ennemis… en en faisant des amis ! Eradiquer le mal commis par les hommes pour sauver la relation avec eux. 
Telle est la force extraordinaire de la grâce et du pardon. Ils sont le message que nous devons annoncer, les valeurs qui doivent inspirer tous nos actes et guider notre engagement dans la société. 
Travailler au pardon et à la réconciliation, en « étant vainqueur du mal par le bien ». 
Je conclue avec ces autres paroles de MLK : « A nos adversaires les plus farouches, nous disons : à votre capacité d’infliger la souffrance, nous opposerons notre capacité d’endurer la souffrance. A votre force physique nous répondrons par la force de nos âmes. Faites tout ce que vous voudrez, et nous continuerons à vous aimer. … 
Envoyez vos tueurs dans nos communautés pour y perpétrer la violence et nous laisser à demi morts, et nous vous aimerons encore. Mais soyez assurés que nous vous conduirons à l’épuisement par notre capacité de souffrir. Un jour nous gagnerons.. mais pas pour nous seuls. Nous lancerons à vos coeurs et à vos consciences un tel appel que nous vous aurons gagnés en chemin, et que notre victoire sera une double victoire »(La force d'aimer, p.84)


Amen