BIENVENUE !

Bienvenue sur ce modeste blog.
Vous y trouverez le texte de mes prédications.
Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
Mon souhait est simplement qu'ils puissent alimenter, même modestement, votre méditation de la Bible et qu'ils attisent votre appétit de cette Parole vivante, inépuisable, que Dieu adresse à chacun d'entre nous.

lundi 15 février 2016

Prédication du dimanche 14 février 2016- Ephésiens 1.1-14 - Revêtir notre nouvelle identité d’enfant de Dieu



J’ai revu récemment un de ces films qui racontent l’histoire d’un personnage, à la vie souvent très simple, dans un quartier populaire, et à qui on révèle un jour qu’il est en fait l’enfant d’un roi prestigieux, appelé soudain à monter sur le trône - et le voilà qui se retrouve ainsi propulsé de son modeste appartement jusque dans les somptueux couloirs d’un palais. 

Scénario classique, source intarissable de gags bien sûr. Nous parlerons peu des gags ce matin… En revanche, il y a là une certaine analogie avec le message de l’Evangile : en effet, frappant à la porte de nos vies, Jésus est ainsi venu nous annoncer, d’abord, que nous étions appelés à une autre vie, bien plus riche - dans l’amour de Dieu et des autres. Pas une vie à vivre ailleurs, dans un palais lointain, mais là où nous sommes.

Mais il y a plus : comme dans la comédie évoquée, Jésus est venu nous révéler que nous n’étions pas, nous non plus, celui que nous pensions. Par lui, nous découvrons ce que nous sommes vraiment : un homme ou une femme choisi par Dieu pour devenir son enfant et vivre en communion avec lui pour l’éternité.  

Choisi pour être son enfant adoptif, son héritier, dans un choix qui ne repose sur rien d’autre que la décision libre de Dieu, motivée seulement par son amour. 

Voilà le cadeau offert par Dieu en Jésus : une nouvelle identité d’enfant de Dieu. 
Le contenu de ce cadeau, l’apôtre Paul cherche à l’exposer dans sa totalité aux chrétiens de la région d’Ephèse, à qui il écrit depuis sa prison de Rome. 

C’est un sujet complexe, et pour l’aborder Paul aurait pu écrire pour un ouvrage théologique savant. 
Mais pour sa leçon de catéchisme, Paul choisit au contraire d’écrire un chant de louange - 11 versets ininterrompus qui sont en grec une seule phrase, un seul souffle - et dans lesquels l’apôtre laisse éclater son émerveillement et sa reconnaissance. 

Lisons ce grand mouvement ensemble. Vous risquez d’être submergés par les idées, les grandes perspectives : c’est voulu !! Nous poserons quelques jalons quand même après. Accrochez-vous, c’est un des plus beaux passages du Nouveau Testament.  

Lecture : Ephésiens 1.1-14
On pourrait démonter morceau par morceau ce passage, en prenant chaque partie du passage pour l’expliquer. Il y a là le programme de toute une année d’enseignement ! 
Mais ça c’est peut-être dans un 2e temps. 

Car ce n’est pas pour rien que Paul choisit ici d’exposer ces vérités au travers d’un chant de louange soigneusement construit, un chant qui commence par une parole de bénédiction : « béni soit Dieu qui nous a bénis… » pour célébrer ensuite l’oeuvre de Dieu en Jésus-Christ, centre de tout le cantique, et par qui nous bénit parfaitement. 

Une bénédiction c’est une parole de vie prononcée sur quelqu’un. Dieu le premier nous adresse une bénédiction par Jésus, qu’on peut résumer en quelques mots : tu es mon enfant. Je t’ai choisi avant la fondation du monde pour que tu sois saint et sans défaut devant moi. 

Saints ici, ça désigne des gens que Dieu a « pris en main », les déliant de toute autre appartenance, pour qu’ils soient totalement à lui.   
Des femmes et des hommes totalement nouveaux, « sans tache ni ride ni rien de semblable » (Eph.5.26-27).

Et cette révélation est d’abord à recevoir dans la confiance et la joie. 
Voilà ce que vous êtes en Jésus, dit Paul aux Ephésiens. Acceptez-le, et réjouissez-vous. C’est tout ce que Dieu vous demande. 
Et entrez maintenant dans cette nouvelle identité que vous avez « en Jésus ». 
« En lui » : la formule revient comme un leitmotiv : « en lui, Dieu nous a choisis »… « En lui, par son sang, nous sommes rachetés ».. 
Que signifie cette expression être « en lui » ? 

En Christ, dit un commentateur, ça signifie que « quand le Christ revient à la maison du Père, il n’y revient pas seul. Il revient avec nous. Nous sommes définitivement inséparables de lui. Il ne s’agit pas d’un simple lien de sympathie, comme si le Christ ramenait des amis à la maison. Il s’agit bien d’une union, d’une identification réciproque. (…) on pourrait dire … que le Fils s’est fait homme pour que les hommes deviennent fils. En lui nous ne voyons pas seulement un sauveur qui nous tire de la catastrophe, un ami qui nous accueille chez lui et partage avec nous ses biens ; nous reconnaissons le premier-né d’une multitude de frères, le fils ainé. Le Fils a fait de nous des fils, des frères »

Voilà : en croyant en Jésus, tu as été adopté par Dieu. Il te considère comme un des ses enfants. 
Maintenant, nous dit Dieu, deviens-le dans tous les aspects de ta vie. 

Saint Augustin a résumé ce mouvement par cette formule célèbre : « deviens ce que tu es ». 
Il s’agit en quelque sorte de se reconnaître enfant de Dieu en Jésus-Christ, puis de le devenir aussi. 
Devenir enfant de Dieu, comment cela est-il possible ? 
C’est un processus que Paul expose ici. Arrêtons-nous un instant là dessus. 






Devant l’exposé de ces grandes vérités, qui peuvent paraître bien théoriques, on peut s’interroger : si par ma foi en Jésus, je suis entré dans ce grand mouvement, qu’est-ce que ça change dans ma vie ? Comment ça peut me rejoindre, devenir actuel pour moi ? 

Deux dangers se présentent ici : 
Le premier : penser qu’il fait avoir tout compris avant d’avancer avec Dieu.
Le deuxième : penser que ces choses se réalisent ailleurs que dans notre vie quotidienne, avec notre conjoint tel qu’il est, nos enfants tels qu’ils sont, nos collègues de travail tels qu’ils sont…  

Ici, Paul décrit en quelque sorte un cadre général, fait de toute une série de vérités fondamentales, mais je crois qu’en choisissant d’écrire un chant de louange, au lieu de faire un traité de théologie, l’apôtre nous indique aussi la voie à suivre pour les assimiler : vivre notre vie quotidienne dans l’attente de ce que Dieu voudra nous donner - de ses bénédictions, vivre en nous nourrissant de ces réalités spirituelles qui nous dépassent, mais qu’au fur et à mesure de nos expériences, de nos méditations de la Bible, de notre vie d’Eglise, nous assimilerons peu à peu. 

Car c’est au fur et à mesure de notre marche avec Dieu que nous éprouverons la portée et la richesse de toutes ces bénédictions. 
Le plus important n’est donc pas de comprendre a priori comment tout ça fonctionne, comment ça s’articule. (cf différentes personnalités : pour certains, besoin de tout comprendre avant d’avaler (témoignage perso)). 
Mais il y a à un moment ou l’autre un premier pas à faire, pas de foi, de confiance : j’accepte de me lancer sur le chemin sans avoir toutes les réponses, mais dans cette attitude de dépendance et de reconnaissance qui est fondamentale pour recevoir les dons de Dieu. 
Deux mains vides, un coeur et une intelligence grands ouverts, tendus vers Dieu, prêts à recevoir : avancer ainsi pour revêtir peu à peu notre nouvelle identité en Christ, pour revêtir ma nouvelle identité de fille ou de fils de Dieu. 

Certes, on peut penser que c'est un costume trop grand pour nous, et lorsque nous nous regardons vivre, la majesté royale n’apparaît pas au premier coup d’oeil. 
Vous savez, on peut devenir roi du jour au lendemain mais il faut longtemps pour penser en roi, agir en roi. Il y a toute une éducation à acquérir (source des fameux gags évoqués plus haut). 
Ce que Paul appelle ailleurs « revêtir l’homme nouveau ». 

Certes, la première lettre de Jean nous assure encore que par la foi en Jésus « nous sommes maintenant enfants de Dieu », mais qu’en même temps « ce que nous serons un jour n'a pas encore été révélé ». Ce n’est que quand Jésus reviendra que nous deviendrons pleinement comme Jésus. 
Cependant, nous sommes déjà en train de revêtir cette nouvelle identité; et elle grandit en nous au fur et à mesure que grandissent, dans les petites choses de notre vie quotidienne, la foi, l’espérance et l’amour. 

La foi pour accepter avec confiance ce que nous dit la Parole de Dieu sur notre nouvelle identité.
Face à mes fautes, à mes chutes : Dieu me dit qu’en Jésus le pardon m’est acquis : « nous sommes rachetés, pardonnés ». Je m’accroche à cette vérité, par la foi. 
Face à des interrogations sur le sens de ma vie : Dieu me dit qu’en Jésus je suis héritier, je vais vers la vie éternelle. Je m’accroche à cela, par la foi.
Face à l’épreuve : Dieu Dieu me dit qu’en Jésus  je suis son enfant bien-aimé, et qu’il avait prévu avant la fondation du monde de m’appeler à la vie, alors il ne va pas me laisser  tomber maintenant. 

Voilà qui rend encore plus important le fait de changer de regard sur nous-mêmes et sur la vie.
Ne prononçons pas sur nous-mêmes des paroles de malédiction, mais accueillons, avec reconnaissance, la bénédiction du Père qui, le premier, « nous a bénis »
Cessons donc de nous considérer négativement comme des incapables, ou des moins que rien. Ou même de nous regarder sans cesse comme des pécheurs irrécupérables : c’est vrai, nous sommes encore pécheurs, mais en Christ nous sommes surtout saints. Alors nous pouvons relever la tête et croire que la victoire sur ce qui nous asservit est possible ! Nous pouvons voir grand ! 
La foi donc. Puis l’espérance : je suis l’enfant de Dieu, son héritier. Ce que je serai n’a pas encore été manifesté mais ça viendra.

Enfin, l’amour : reconnaitre dans ma vie les dons de Dieu qui font partie de son langage d’amour.
L’amour, vécu et expérimenté dans l’Eglise que Dieu nous donne pour nous aider à entrer dans notre nouvelle identité : chacun de nous peut y être reconnu en tant qu’enfant de Dieu par les autres. C’est un des rôles du baptême, ou des témoignages. Ils ne sont ni l’un ni l’autre des diplômes ou des examens de passage (comme si on venait justifier le fait que nous sommes chrétiens en produisant un CV convaincant). En nous faisant baptiser, en racontant aux autres quelques éléments de notre chemin avec Dieu, nous les encourageons d’une part, et d’autre part nous recevons cette reconnaissance de leur part : « tu es de ma famille »… 

Insistons sur le fait que ce lien « filial » n’est pas qu’une réalité humaine. Dans certains milieux non chrétiens on dit facilement « mon frère » aux autres. Mais en Christ ce n’est pas juste une affinité, c’est une réalité spirituelle : nous avons, ensemble, reçu ce même Esprit d’adoption « par lequel nous crions: «Abba! Père !». 
Cet Esprit qui nous donne justement la foi, l’espérance et l’amour, et par lequel nous entrons pleinement dans notre nouvelle identité de fils ou de fille. 

Terminons en évoquant le rôle de l’Esprit ici. 

« Après avoir entendu la parole de la vérité, l’Evangile qui vous sauve, écrit Paul, en lui vous avez cru et vous avez été marqués de l’empreinte du Saint-Esprit qui avait été promis. Il est le gage de notre héritage en attendant la libération de ceux que Dieu s’est acquis pour célébrer sa gloire ». 

Paul prend ici l’image du « gage », des « arrhes » que l’on verse pour réserver une location de vacances. En nous donnant son Esprit, Dieu nous a en quelque sorte « réservés » en attendant notre adoption pleine et entière, à la fin des temps. 
Notre statut d’enfants de Dieu nous est donc donné par la présence et l’action du Saint-Esprit en nous, qui nous façonne intérieurement et nous permet aussi de prier Dieu en tant qu’enfants - en disant « abba! », Père ! 
D’autant que quand nous prions « au nom de Jésus », son Fils, nous l’approchons recommandés en quelque sorte par lui, et donc accueillis comme des fils et des filles nous aussi - et ça change tout ! 
H. Blocher dit qu’en nous regardant « Dieu voit Jésus. C’est bien pourquoi le coeur du Père ne peut pas résister pour tout ce qui est bon ; au nom de Jésus, il « fond » de tendresse » ! 

Alors ne nous privons pas de ce privilège, et à tout instant du jour et de la nuit, tournons notre coeur et nos pensées vers notre Père céleste, dans la reconnaissance. 
Dans La tactique du diable, CS Lewis imagine les conseils qu’un vieux démon donne à un démon débutant, pour détourner les hommes de Dieu. L’un de ses premiers conseils est celui-ci : non pas d’abord faire entrer de mauvaises pensées dans leurs têtes, mais empêcher les pensées venant de Dieu, les paroles de bénédiction, d’y entrer : car « quand les hommes fixent toute leur attention sur Dieu, [les démons] sont vaincus d’avance » ! 

Que les paroles de bénédiction que Dieu prononce sur vous ne s’éloignent pas de votre esprit ! 
Pourquoi par exemple ne pas écrire sur le miroir de votre salle de bain les paroles suivantes : 
« Par Jésus, tu es mon fils bien aimé, celui qui fait toute ma joie ».
  « Tu es ma fille bien aimée, celle qui fait toute ma joie » ?! 

Ensemble, nous partageons cette nouvelle identité en Christ. Alors encourageons nous les uns les autres à rester dans l’amour du Père, en attendant le jour où nous hériterons ensemble d’une nouvelle terre, débarrassée du mal et de la mort, pour l’éternité. 
Que cette espérance nous tienne debout, éveillés, pleins de joie et d’énergie pour Dieu! 


Amen. 

jeudi 4 février 2016

Prédication du 31 janvier 2016 - Marc 10.17-27 - Jésus guérit nos coeurs brisés




La semaine dernière, méditant une parabole (celle des « talents ») dans l’évangile de Luc, Frédéric Separi a évoqué l’image fausse que l’on peut se faire de Dieu, vu comme un juge distant et intransigeant - une image qui ne correspond pas au visage que Dieu montre de lui-même en Jésus-Christ. 

Aujourd’hui, nous allons méditer l’histoire d’une rencontre entre Jésus et un homme tourmenté, venu justement vers lui comme vers un juge, et qui va rencontrer en Jésus un Dieu médecin, offrant à la fois son diagnostic et sa guérison, par amour. 

Lecture : Marc 10.17-27

Peut-être certains parmi vous partagent-ils le sentiment des disciples ici, « effrayés » par les paroles de Jésus ! Que fait donc le Seigneur avec cet homme ? Voilà quelqu’un qui vient avec une question  profonde, sincère, et Jésus semble l’écraser sous le poids d’une exigence trop lourde pour lui : « va vendre tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, charge-toi de ta croix, et suis-moi ». 
C’est tellement lourd… que l’homme repart, découragé. « Il s’en alla tout triste car il avait de grands biens ». 

Pourquoi Jésus l’accueille-t’il ainsi ? 

En réalité, la réponse de Jésus à cet homme n’a qu’un seul but : le sauver. Mais pas le sauver au sens où il l’entend lui - un sens purement juridique (l’homme parle d’un droit à l’héritage). Mais le sauver aussi en le guérissant de ce qui tient son coeur captif, de ce qui l’empêche de s’ouvrir à l’amour de Dieu et des autres - seul chemin en réalité pour « hériter de la vie éternelle ». 

A. Un diagnostic 

« Va vendre tout ceux que tu as, donne-le aux pauvres ». En effet, en disant cela, c’est d’abord un diagnostic que pose Jésus, il pointe une maladie dont souffre cet homme

Car celui-ci est malade. Quelque chose le tourmente, dont il n’arrive pas à se défaire. C’est fort et ça ne le laisse pas en repos, au point qu’il « accourt », et « se jette à genoux » devant Jésus ! 
Il y a urgence ! Et la question : « que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle ? » montre qu’il s’agit d’un tourment spirituel
« Maître, j’ai respecté tous ces commandements dès ma jeunesse ». Cet homme se considère comme pur devant Dieu, mais pourtant, quelque chose cloche. Le pasteur Daniel Bourguet, dans un livre intitulé les maladies de la vie spirituelle, dit de lui : « c’est un malade, un angoissé qui se sait malade mais qui ignore de quelle maladie il souffre. Il a essayé tous les remèdes de la Torah, mais sans succès ; voilà pourquoi il dit à Jésus : « que me faut-il faire pour avoir la vraie vie ? »

« En guise de réponse, Jésus s’assure d’abord que cet homme a suivi les prescriptions de la Loi », puis il discerne quelle est sa « maladie » spirituelle : son attachement à l’argent
Voilà pourquoi il lui donne ce traitement choc : « va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, puis viens et suis-moi » ! 
C’est ce qu’on appelle « trancher dans le vif » ! 
Si cette parole venait du Dieu juge, ce serait une loi universelle, qui s’appliquerait à tous. Ce qui fait frémir les disciples, d’ailleurs ! Mais Jésus n’a pas dit cela à tous ses disciples ; il le dit seulement à ceux en qui il discerne un attachement malsain à l’argent. C’est une prescription du Dieu médecin, pour la guérison spirituelle de cet homme. 

Cela pourrait nous surprendre : être trop attaché à l’argent, ce serait une maladie spirituelle ? N’est-ce pas plutôt un péché, une mauvaise action, une transgression de la loi ? 
Bien sûr. 
Mais il y a justement dans le péché cette double dimension juridique et médicale, qui est aussi la double dimension de la Bonne Nouvelle.
Comme dit aussi D. Bourguet, il y a deux façons de « sauver » un voleur : pardonner ses vols et le guérir de sa cleptomanie ! Le juge le sauvera en le graciant de ses vols. Le médecin le sauvera en le guérissant de ce qui le pousse à voler. Dieu veut nous sauver de ces deux façons en même temps. 

Ainsi, Dieu est bien sûr le juste juge, et ce n’est pas pour rien que Jésus commence par rappeler à l’homme les commandements de la Loi de Dieu : y désobéir rend impur, et coupe l’accès à la présence du Dieu saint. C’est justement pour effacer ces transgressions de la loi divine, que Dieu le juste juge a condamné son Fils à notre place sur la croix - pour que nous soyons quittes devant lui, acquittés - « il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » ! Voilà une partie de la Bonne Nouvelle. 

Mais même si Jésus, en prenant notre place, nous permet de sortir libres de la prison, même si, par notre foi en lui, nous sommes aussi déclarés sauvés, notre coeur a aussi besoin d’être « guéri » du péché - dès maintenant.  

Dès les premiers siècles du christianisme, le péché a été aussi vu de cette  façon « médicale » comme un dysfonctionnement du coeur, un désordre : parce que nous avons pris la place centrale, celle de Dieu, notre être tout entier se retrouve ainsi désordonné, « monté de travers ». 
Ce qui fait du péché une sorte de trouble de l’attachement, une maladie de l’amour - mal dirigé, l’amour se prend dans des attachements malsains, qui nous emprisonnent. Ainsi l’orgueilleux est attaché à ses propres qualités ; d’autres sont dirigés, même malgré eux, par un exigence de perfection. D’autres par la recherche d’une sensation de plaisir - jusqu’à l’addiction parfois. Tout cela nous empêche d’aimer sainement Dieu et les autres. Quant à cet homme qui vient trouver Jésus, il est attaché aux richesses matérielles, au point de « s’assombrir » rien qu’à l’idée de s’en défaire. 

Jésus qu’on sent lui-même attristé dit à ses disciples que cet attachement-là est très puissant : « qu’il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu » ! 
« Vous ne pouvez servir deux maîtres… » « là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur »..

Ainsi, même si nous désirons sincèrement marcher avec Dieu, bien des choses qui nous collent à la peau peuvent encore entraver notre marche : pardon non accordé, péchés récurrents avec lesquels nous bataillons…
Combien de chrétiens sont ainsi pris dans un cercle « péché-repentance-rechute » qui leur semble sans issue ! 

Cela peut nous tourmenter au point de nous faire douter de notre salut - « est-ce qu’il me manque quelque chose pour hériter de la vie éternelle  ? ». 

En Jésus, Dieu veut nous sauver et nous guérir - c’est le même mot en grec. Jésus expose ce programme à Nazareth, dès le début de son ministère, après avoir vaincu le diable dans le désert : « L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres; il m'a envoyé [pour guérir ceux qui ont le cœur brisé,] 19pour proclamer aux prisonniers la délivrance et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés, pour proclamer une année de grâce du Seigneur ».
Et ce jour-là, alors qu’il n’a pas encore commencé à guérir et sauver des personnes, Jésus déclare pourtant : 20 «Aujourd'hui cette parole de l'Ecriture, que vous venez d'entendre, est accomplie.» (Luc 4)

A combien plus forte raison est-elle accomplie pour nous, qui venons après la mort et la résurrection de Jésus, alors que Jésus règne à la droite du Père, et que tout pouvoir lui a été donné sur toutes choses ! 

Jésus est venu à la fois « libérer les prisonniers » et « guérir les coeurs brisés ». Il veut donc nous sauver à la fois « juridiquement » - pour que par son sacrifice nous soyons déclarés justes devant Dieu - et aussi « médicalement » - en soignant nos coeurs dysfonctionnants, sur lesquels Satan cherche à garder l’emprise. 

Et en bon thérapeute, Jésus sait donner à chacun exactement le remède qui lui convient. 

B. Le chemin de la guérison

Ainsi,  Jésus indique à l’homme riche le traitement dont il a besoin pour se détacher de son idole, l’argent - donner aux pauvres - pour qu’ainsi libéré il puisse s’attacher à Jésus - qui lui dit « suis-moi » - et de guérir son coeur pour qu’il soit capable d’aimer Dieu et les autres sainement. 
L’amour, qui est au coeur de la relation thérapeutique : « l’ayant regardé, Jésus l’aima » - est aussi le remède. C’est en me découvrant toujours plus profondément aimé de Dieu, accepté de Dieu comme je suis, que je vais pouvoir lui ouvrir mon coeur, m’attacher à lui, et en m’attachant à lui me détacher de mon péché, de ces liens dans lesquels je me débats, et qui me pourrissent la vie (et celle de mes proches, souvent), limitent mes horizons… 

Malheureusement, l’homme riche n’accepte pas ce diagnostic ce jour-là, et s’en va avec sa tristesse. Ne l’imitons pas, et laissons Jésus nous appliquer son programme de guérison : diagnostic, confession, repentance, relèvement et poursuite du chemin. 

1. Diagnostic, d’abord : rechercher et accepter le diagnostic du divin médecin. Désirant lui plaire à tous égards, ne rien laisser traîner qui le déshonore et nous sépare de lui. Lui demander de nous montrer ce qui « pèche » ! 
« Seigneur, dit le psaume 139, tu m’as examiné à fond, tu me connais… examine-moi à fond, ô Dieu, et connais mon coeur ! Sonde-moi, et connais mes préoccupations ! regarde si je suis sur une voie mauvais, et conduis-moi sur la voie de l’éternité » (Ps.139.23-24).

Si nous prions ainsi, le Saint-Esprit, comme un médecin délicat, nous révèlera nos maladies « petit à petit, les unes après les autres, pour ne pas nous écraser de désespoir, juste assez pour nous mobiliser et susciter notre collaboration »

Pour mieux discerner où est le mal, une piste : quand tu es distrait dans tes prières, c’est par quel type de pensées ? « Tes distractions vont te révéler quelle est en toi la maladie la plus virulente », ce à quoi ton coeur est le plus lié. 
Considère aussi tes réactions aux événements de la vie : qu’est-ce que ça te fait ? Qu’est-ce que tu as peur de perdre ? Ta dignité, ton argent, l’amour de quelqu’un… ? 
« Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur ». Et s’il est ailleurs qu’en Dieu, là est sa maladie spécifique, qui l’empêche d’aimer vraiment. 

Cherchons donc ce discernement dans la prière, en prenant avec recul tout sentiment de culpabilité : il ne vient pas forcément de Dieu ! Satan, l’accusateur, est capable de harceler un chrétien avec des pensées de culpabilité, pour le troubler, le faire douter de son salut (comme cet homme riche peut-être) et le décourager : « tu n’y arriveras jamais ». « Comment Dieu pourrait-il t’aimer avec ce que tu fais ? ». Tout cela pour nous empêcher de venir montrer nos mains sales à Dieu, pour qu’il nous lave. 

2. Or, cela, c’est la suite du chemin : simplement confesser notre péché et nous repentir. 
« Celui qui cache ses transgressions ne réussira pas, mais on aura compassion de celui qui les reconnaît et les abandonne. » Proverbes 28.13 
Ne cherchons donc pas à minimiser ou dramatiser, ou même à nous justifier. Le mensonge est un péché et un piège. Ne nous accusons pas à l’excès, ce peut être aussi une réaction d’orgueil - « je n’aurais pas dû faire ça, je suis trop bien » ! 
« Confesser » n’est pas seulement demander pardon, formellement, mais surtout se tenir du côté de Dieu et juger le péché pour ce qu’il est. Il y a Dieu, le péché, et nous au centre. Nous choisissons résolument notre camp. Nous étions du côté du péché, sur le chemin qui conduit à la mort ? Nous revenons du côté de Dieu, parce qu’il nous autorise à le faire, Jésus ayant tout payé définitivement, et nous reconnaissons ce que nous avons fait. Alors nous sommes revenus auprès de Dieu. 
Si nous confessons nos péchés de cette manière, Dieu « est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité ». 
Confesser, et aussi se repentir, c’est à dire décider résolument de changer de voie. Dans l’AT, « pécher » signifie « rater la vie ». En revenant nous placer dans la confiance près du Père, nous choisissons résolument de tout faire pour ne plus « rater la vie », et pour grandir dans l’amour ! 
Et si la découverte de ce que nous sommes vraiment nous rend tristes, que ce soit de cette tristesse que Paul nomme « la tristesse selon Dieu » qui conduit à la repentance, et donc à la vie, parce qu’on accepte alors le remède de Dieu, on accepte de se laisser pardonner et guérir. 

3. Ensuite, continuons d’avancer avec Dieu en restant en paix et dans la joie ! 
« Suis-moi », dit Jésus à l’homme riche. 
Prenons tranquillement, sans vouloir en faire trop, les remèdes que le Seigneur nous prescrit - la pratique de la prière, du service des autres, la recherche de leur intérêt plutôt que du nôtre - continuons à vouloir réjouir Dieu en faisant ce qu’il nous demande, et ne nous affolons pas de nos chutes ! N’ayons pas peur non plus que nos chutes nous coupent de son amour
Jacques Philippe écrit ainsi : « vivre sous le regard de Dieu nous fait percevoir que cette idée est fausse : l’amour est gratuit, ne se mérite pas, nos pauvretés n’empêchent en rien Dieu de nous aimer, au contraire ! (NB : il « aime » cet homme avare qui vient le trouver! ). Nous sommes libérés de ce terrible et désespérant devoir : devenir quelqu’un de bien pour mériter enfin d’être aimé. 
Mais tout en nous « autorisant » à être nous mêmes, à être de pauvres pécheurs, le regard de Dieu nous permet aussi toutes les audaces dans l’élan vers la sainteté : nous avons le droit d’aspirer aux plus hautes cimes, de désirer la sainteté la plus haute, car Dieu veut et peut nous l’accorder. Nous ne sommes jamais enfermés dans notre médiocrité, ni contraints à une morne résignation, mais toujours nous avons cette espérance de progresser dans l’amour »

Progresser dans l’amour, moi… mais comment ? « Aux hommes cela est impossible mais pas à Dieu, car tout est possible à Dieu…», dit Jésus. 
Nous rendre capables d’aimer, cela revient à nous greffer un coeur nouveau, et c’est ce que Dieu promet : « je vous donnerai un coeur nouveau et je mettrai en vous un souffle nouveau», dit le Seigneur par la bouche du prophète Ezéchiel (36.26), « j’ôterai de votre chair le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair ».  

Alors, forts de cette belle promesse du Dieu médecin, gardons simplement l’attitude suivante devant Dieu : « à la fois une acceptation très paisible, très « détendue » de nous-mêmes et de nos infirmités, et en même temps un immense désir de sainteté (de guérison), une forte détermination de progresser, fondés sur une confiance sans limite dans le pouvoir de la grâce divine »

Je voudrais finir avec une image : autrefois, pour nombre de maladies, on prescrivait… des cures de soleil. 
Cette semaine, j’ai entendu sur RCF quelqu’un dire que prier, c’était ainsi « s’exposer au soleil de Dieu ». 
Un soleil qui ne brûle pas, mais réchauffe, apaise, éclaire. A sa lumière, nos ténèbres se dissipent, les monstres qui nous angoissent s’enfuient.

Alors sortons de nos chambres sombres, et exposons nous avec confiance à la lumière du Seigneur, osons lui présenter nos coeurs désordonnés, pour que son amour nous guérisse en profondeur. 
Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec nous. A lui seul soit la gloire, aux siècle des siècles !
Amen. 

Références des citations : 

D. Bourguet, Les maladies de la vie spirituelle, ed. Olivétan, p. 102
J. Philippe, la liberté intérieure, p.38