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Vous y trouverez le texte de mes prédications.
Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
Mon souhait est simplement qu'ils puissent alimenter, même modestement, votre méditation de la Bible et qu'ils attisent votre appétit de cette Parole vivante, inépuisable, que Dieu adresse à chacun d'entre nous.

dimanche 25 janvier 2015

prédication du 25 janvier 2015



Prédication du 25.01.15

Matthieu 6.5-8
La prière, une entrée dans l'intimité du Père



Il faut l'avouer, prier n'est pas si facile.

Prier vraiment, devrais-je dire.

C'est paradoxal, car il y a peu de choses qui soient aussi universelles que la prière - toutes les religions ont leur forme, leur compréhension de la chose, leurs traditions.
Et si la plupart des religions enseignent à leur fidèles comment prier - précisant la position, les paroles à prononcer, le nombre de fois... aussi surprenant que cela puisse paraître, il y a peu d'enseignements sur tout cela dans la Bible.
Du moins jusqu'à la venue de Jésus.

Dans le sermon sur la montagne, en effet, le Seigneur dit en quelques mots l'essentiel à savoir pour prier vraiment.

Cet enseignement, souvent lu dans les églises, mérite une méditation régulière.

C'est à quoi je vous invite ce matin, nous lirons en Matthieu 6.5-8.

Lecture

5 Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui se plaisent à prier debout dans les synagogues et aux coins des grandes rues, pour se montrer aux gens. Amen, je vous le dis, ils tiennent là leur récompense. 6 Mais toi, quand tu pries, entre dans la pièce la plus retirée, ferme la porte et prie ton Père qui est dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.
7 En priant, ne multipliez pas les paroles, comme les non-Juifs, qui s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés. 8 Ne faites pas comme eux, car votre Père sait de quoi vous avez besoin avant que vous le lui demandiez.


Ce passage se situe juste avant le « Notre Père ». Jésus s'adresse à des gens pour qui la prière fait partie de la vie, même sociale. Mais ces juifs pieux, certainement, appliqués à suivre fidèlement la loi de Moïse, Jésus est venu les amener plus loin, vers une prière qui glorifie vraiment Dieu.
Et pour cela, il commence par leur dire ce que la prière n'est pas : « ne soyez pas comme les hypocrites » qui aiment prier ostensiblement devant tout le monde, pour qu'on les voie. Ne multipliez pas les paroles, ne répétez pas sans les penser vraiment des formules toutes faites, ou des incantations. Ce sont là finalement deux travers que tout le monde peut avoir !
Si Jésus commence ainsi par pointer du doigt des dérives fréquentes, c'est pour dire quelque chose de très important : la prière, en réalité, est plus qu'un acte, que des paroles, même justes et sincères, même inspirées par une sagesse millénaire - elle est relation vivante avec le Dieu vivant. C'est la disposition de cœur que Dieu honore, avant le contenu des paroles elles-mêmes.
Et si vous voulez entrer vraiment en relation avec ce Dieu par la prière, dit Jésus, il vous faut aller au delà de la forme, et sortir de tout cela pour vous tourner entièrement vers Dieu. En cela, la prière est un déplacement vers Dieu.

Dans ce déplacement il y a des obstacles, que nous allons évoquer rapidement, avec le moyen de les surmonter. Mais, dit Jésus, le Père vous appelle et vous attend. Et sa présence est le seul but, et la plus grande récompense de la prière.
Parcourons ensemble ces trois étapes.
D'abord, nous dit Jésus ici, la prière est un déplacement vers Dieu.
« Toi, quand tu pries, entre dans la pièce la plus retirée, ferme la porte et prie ton Père qui est dans le secret ».
Il faut mesurer quelle mise en garde ces mots contiennent.
Les prières dans les synagogues étaient conduites par un membre qui restait debout devant l'assemblée ; une invitation à conduire la prière était donc un signe de considération, de respect. C'était valorisant pour l'ego. De même pour la prière de l'après-midi, qu'on pouvait s'arranger pour faire aux endroits bien passants, histoire d'être bien vus de tous !
Le danger alors n'est-il pas d'oublier qu'on s'adresse à Dieu, et de rester centré sur soi ? On prie pour exister sous le regard des autres, ou sous notre propre regard - mais plus sous celui de Dieu. Notre piété évangélique n'est pas à l'abri non plus de ce genre de choses, qu'on peut faire inconsciemment.
Mais Jésus demande de s'éloigner de tout cela : quand tu pries, déplace-toi, laisse-toi déplacer, sors de cet univers de paraître dans lequel tu es en contrôle, en maîtrise, pour venir près de Dieu, dans ta fragilité.
« Quand tu pries, entre dans la pièce la plus retirée »... Certes, le conseil est de bon sens : pour prier, bien sûr, il vaut mieux être au calme, pour ne pas être distrait. Trouver un lieu dans lequel on est bien, un lieu paisible, spécialement dédié à la prière - ce n'est pas très « protestant », peut-être, mais c'est bénéfique ! Sans écrans, sans distractions ! Il suffit juste parfois de tourner le fauteuil de son bureau dans une direction particulière, ou un coin du canapé le matin, un coin de table de cuisine... Dieu est partout, bien sûr.
Cependant Jésus ici fait explicitement allusion à une pièce qu'on trouvait dans la plupart des maisons de l'époque, une pièce souvent sans fenêtres et qui était la seule à fermer à clé. On y mettait ce qu'on avait de plus précieux.
Une façon de dire aussi qu'entrer dans la présence de Dieu, cela se vit au cœur de la vie, et qu'il faut s'y préparer, en quelque sorte - un peu comme on se prépare à un rendez-vous, auquel on se rend dans une certaine disposition de cœur.
Jésus lui-même a donné l'exemple. Il éprouvait régulièrement le besoin de partir seul dans la montagne, pour prier intensément. Bien sûr le silence du recueillement en soi ne suffit pas. Aujourd'hui, beaucoup de gens méditent, font silence, etc. sans aucune recherche du Père Celeste. Le souci de Jésus ici est surtout d'amener à une vraie prière qui s'oppose aux pratiques superficielles.
Prier donc implique de se déplacer physiquement parfois, pour mieux être déplacé intérieurement vers Dieu. Détourner les yeux de nous-mêmes et de nos occupations et préoccupations pour regarder vers Dieu. La Bible utilise des expressions variées pour dire cela : « aspirer » à la présence de Dieu, « chercher sa face », « entrer dans sa présence ». « Se mettre à l'écart », comme on le fait pour souffler un peu au milieu de trop d'activités.
La volonté tout entière tournée vers le Père.
Un grand homme de foi du Moyen-Age disait ainsi : « prier, c'est se transporter soi-même dans le cœur et la volonté du Père »1.
Ca fait envie, n'est-ce pas ? Et pourtant nous savons bien que ce n'est pas facile à mettre en pratique, et que de nombreux obstacles peuvent entraver ce déplacement vers Dieu. Une fois la porte fermée, le plus difficile... c'est de prier !
D'abord parce que nous pouvons avoir du mal à discipliner notre cerveau, et le premier obstacle à la prière ce sont nos pensées vagabondes. « Tiens, il faut que je pense à acheter du jambon »... « Génial, qu'est-ce que je suis spirituel ! J'ai fait des progrès quand même, avant je n'arrivais pas comme ça à me lever à 6h du matin pour prier... ». Ou bien : « je dois faire ceci ou cela », « je dois dire tels mots... ».
« Ferme la porte », dit Jésus. Voilà un grand défi de la prière personnelle. Il faut délibérément laisser passer toutes ces pensées sans nous y arrêter, sans les laisser nous emporter avec elles - et penser à Dieu. Nous détourner de nous-mêmes pour le chercher, lui.
Nous sommes ainsi faits, nous pauvres humains limités, qu'un rien nous distrait de l'essentiel. En tant qu'enseignant, j'ai ainsi pu expérimenter la puissance dévastatrice d'une simple mouche qui se ballade en bourdonnant dans la classe - quelques millimètres cubes capables de pulvériser en un instant la belle explication de texte que vous avez eu tant de mal à préparer !
Mais c'est bien à nous, qui sommes faits de cette pâte-là, que Dieu s'adresse, pas à des surhommes. La prière est pour tous, elle est faite justement pour les gens les moins spirituels, pour qu'eux qu'ils cherchent sincèrement Dieu.

Une fois que nous sommes tournés vers Dieu, un autre obstacle peut se dresser, fait de fausses idées héritées, inconscientes, comme celle que nous aurions quelque chose à « faire » pour avoir droit à l'intimité de Dieu. Ces images d'un Dieu juge impitoyable, d'un Dieu distant et exigeant des sacrifices et des autoflagellations de notre part pour daigner nous accepter dans sa présence.
Et bien sûr, il y a la véritable culpabilité - quand le Saint-Esprit, activant en nous la connaissance de la Parole de Dieu, nous révèle un péché réel, qui nous sépare du Père. Comment alors nous approcher de Dieu si nos mains sont sales, notre conscience inquiète ?
Jésus ici nous indique le moyen : par la foi dans la grâce de Dieu, dans son pardon. Entrer dans la pièce le cœur vraiment repentant, confiant en ce Dieu qui pardonne.
Cette grâce est sous entendue dans ces paroles de Jésus : « quand tu pries, entre dans la pièce la plus retirée, ferme la porte ».. Cette parole fait référence à un passage d'Esaïe (26.20), une allusion qui n'a pas dû échapper aux auditeurs de l'époque, tant la connaissance de l'Ecriture était poussée. Jésus cite Esaïe : « Va mon peuple, entre dans les chambres, et ferme tes portes derrière toi ».
« La référence est riche de sens, dit H. Blocher. Le prophète annonce le passage du jugement et la grâce que Dieu fera prévaloir pour les siens, à travers ce jugement. Il évoque le première Pâque, Israël sauvé du fléau en entrant dans ses chambres, couvert par le sang de l'agneau, badigeonné sur le linteau des portes »2.
En somme, Jésus dit ici : oui, tu mérites le jugement, mais à cause de la grâce de Dieu, « sous couvert du sang de l'agneau » càd de mon sacrifice pour tes péchés, tu ne seras pas rejeté. Au contraire, tu as le droit d'entrer dans l'intimité du Père. L'accès t'est ouvert, sans limites, pour peu que tu reconnaisses tes fautes et acceptes le pardon de Dieu ».

C'est cela, prier « au nom de Jésus » - avec son autorisation. Rien ne peut plus nous faire obstacle.
Le but de la prière : un cœur à cœur avec Dieu
Et cela nous amène au but de la prière : l'entrée dans la présence même de Dieu.
« Ton Père est là, dans le secret », dit Jésus. C'est donc d'abord une promesse, que Dieu a faite depuis longtemps à son peuple : « je me laisserai trouver par vous » (Jérémie 29.14).

Dans ce lieu secret, Dieu nous devance, nous attend et nous appelle.
Est-ce que nous avons conscience ainsi que notre prière n'est qu'une réponse à celle de Dieu, qui nous prie le premier d'entrer ? L'histoire d'Israël est ponctuée de ces appels déchirants de Dieu qui supplie son peuple de revenir à lui, car tout est pardonné, car un nouveau départ est possible.
« Ton Père est là ».
« Ton Père qui est dans le secret », dit Jésus, exprimant aussi cette intimité. Dans la prière, je me place devant celui qui me connait parfaitement. Voilà pourquoi il est inutile de multiplier les paroles (le mot grec évoque un « bavardage inutile », un « babillage ») : verset 8 : « votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous lui demandiez ».
Surprenant, non ? Mais alors... pourquoi prier si Dieu sait déjà tout ? Parce que prier, c'est plus que faire sa liste de courses à Dieu. N'a-t'on pas terriblement tendance à limiter la prière à cela ? L'expression de nos craintes, de nos problèmes, de nos désirs - « Seigneur, si tu pouvais me donner ce que mon cœur désire... et de préférence le modèle avec 4G intégrée... ».
En provoquant un peu, on peut dire que ce type de prière n'est pas vraiment différent de celui des païens ! En tout cas, Jésus le dit : « ne soyez pas comme les païens » - des gens pour qui les rapports au divin se limitent à des requêtes. Des prières sans déplacement, centrées sur soi - mes besoins, mes envies...

Mais... est-ce qu'on n'a pas le droit, comme on dit, de « remettre à Dieu » nos problèmes ? Si, bien sûr. Dieu est un Père qui prend soin de ses enfants, et il est patient, indulgent. Mais ce n'est qu'un premier pas vers lui. La vraie réponse à nos besoins, ce n'est pas les délivrances que Dieu voudra bien nous accorder, les consolations qu'il nous donnera par son Esprit - c'est Lui. C'est sa simple présence. C'est être avec lui, dans la communion d'un enfant avec son père.
Si quelqu'un vous dit « tu es vraiment mon meilleur ami », et qu'il ne vient vous trouver que pour vous demander des services, sans jamais vous écouter, sans prendre de temps avec vous... que pensez-vous de sa soi-disant amitié ?

Quand on aime quelqu'un, on veut juste être avec lui, ça suffit. Pas forcément besoin de parler. On a confiance, on est bien ensemble.

Le Père céleste nous offre cela, il l'attend.
Et il nous l'offre par son Esprit. C'est le dernier point de cette méditation.
« Ton Père qui voit dans le secret te le rendra » : ce Dieu qui nous appelle et nous attend nous attire aussi à lui, par le Saint Esprit.
Parfois on n'ose pas prier parce qu'on ne sait pas trop quoi dire. Certes en fréquentant une église on apprend vite les formules qui vont bien, et parfois elles sont une aide précieuse, un support pour commencer. Les Psaumes nous donnent aussi des mots pour nous adresser à Dieu. Mais pas besoin de parler non plus, redisons-le.
On peut déjà, dans un premier temps, se placer devant Dieu dans le silence, se concentrer sur qui il est, et qui nous sommes devant lui. De « qui » à « qui », dit la tradition chrétienne. Et le louer, l'adorer - « Seigneur, tu es grand...».
En outre, quel que soit notre état intérieur, Dieu nous promet l'aide de son Esprit.
L'apôtre Paul dit ainsi en Romains 8.26-27 : « l'Esprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu'il convient de demander dans nos prières. Mais l'Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les cœurs sait à quoi tend l'Esprit : c'est selon Dieu qu'il intercède en faveur des saints ».

Voilà jusqu'où va la grâce de ce Dieu qui nous porte dans son amour : quand nous nous tournons vers Lui, sincèrement par la foi, c'est Jésus lui-même qui prie en nous, par son Esprit, afin que nous puissions entrer plus profondément dans la communion avec le Père !

Conclusion :
Tel est donc le chemin que Jésus nous invite à suivre ici. En somme, il nous invite ici à passer de la religiosité à une foi vivante dans le Dieu vivant. Selon la formule de Marion Muller-Colard, « d'une religion de système - système d'idées irrationnelles construit juste pour nous rassurer - d'une croyance un peu floue, héritée de nos parents peut-être, ou un un peu perdue de vue - passer donc d'un rapport à Dieu un peu vague à une foi de relation »3 - relation personnelle, relation vivante avec le Dieu vivant, qui nous accueille par grâce, sans que nous méritions quoi que ce soit.
Déjà, Jésus ici annonce l'Evangile, qui est la Bonne Nouvelle que non seulement Dieu nous cherche, mais qu'en plus il nous ouvre lui-même l'accès à sa présence, par la foi en Jésus. Il efface lui-même les péchés qui nous séparent de lui, il enlève les cailloux sur le chemin. Par son Esprit, il appelle nos cœurs, il nous donne les mots, nous inspire les prières...

Quel amour ! « Le Père est là, dans le secret ».
Qu'attendons-nous pour le rejoindre, avec confiance ?
Que nous puissions persévérer dans la prière, tenir ferme et nous rendre avec joie à ce RDV avec Dieu et avec Sa Parole, afin que sa présence irradie nos journées, et qu'ainsi son amour nous remplisse, remplisse nos vies, et déborde sur les autres autour de nous.
Prière :
Père Céleste,
Tu m'invites auprès de toi, en Jésus.
C'est bien par lui que j'ai accès à toi, dans la prière, ô Eternel.
Non seulement grâce à sa Parole de vie, mais aussi par sa mort.
J'en prends encore conscience, aujourd'hui.
Sois loué pour ce cadeau extraordinaire que tu nous fais.

Dans le nom de ton Fils.


Amen.


1 S. Eck, Initiation à Jean Tauler, p.70, le Cerf
2 H. Blocher, in Jésus au quotidien, LLB, 42e jour.
3 Marion Muller-Colard, L'Autre Dieu, p. 66-67

dimanche 4 janvier 2015

Prédication – dimanche 4 janvier 2015


Luc 14 : 25-27

Texte et questions pour la réflexion et la discussion


25De grandes foules faisaient route avec lui. Il se retourna et leur dit : 

26Si quelqu'un vient à moi et ne déteste pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. 27Et quiconque ne porte pas sa croix pour venir à ma suite ne peut être mon disciple.

- Comment comprendre le verset 26 ? Dieu veut-il qu'on abandonne notre famille ? Quelle doit être notre attitude par rapport à elle ? 

- Que signifie être disciple aujourd'hui ? Quels changements de comportement cela implique-t'il ? Quels conflits possibles, avec la famille, les proches ? 
Vivez vous de telles situations ? Quelle est alors la voie que Dieu vous demande de suivre ? 

Prédication : 

Se détacher pour mieux aimer



Après cette période des fêtes pendant laquelle des familles se sont retrouvées, avec tout le doigté que cela demande souvent pour que les choses se passent bien... le texte d'aujourd'hui risque de sonner un peu comme une provocation !
Car en ce début d'année, je vous invite à nous pencher sur l'un des discours de Jésus tel que l'évangile de Luc les rapporte, au chapitre 14 : 25-27. C'est un discours dans lequel Jésus demande... de détester son père, sa mère, ses enfants, ses frères et ses sœurs !
Bien sûr, dit comme ça, le propos a de quoi choquer. En réalité, il s'agit de tout autre chose, et c'est ce que je vous invite à voir ensemble.

Lecture Luc 14 : 25-33

Voilà comment Jésus s'adressait aux « grandes foules » qui venaient l'écouter, des foules attirées par son rayonnement, sa célébrité... et à qui il impose de sévères conditions pour le suivre, comme s'il voulait repousser au lieu d'inviter ! Reconnaissez qu'on est loin du discours de séduction !
Ce sont des paroles dures, qui peuvent surprendre par leur apparente contradiction avec le reste de l'enseignement biblique. « Si quelqu'un ne hait pas... ». Jésus n'a-t'il pas demandé au contraire d'aimer son prochain comme soi-même ?!
Et ici, le voilà qui pose cette condition étonnante pour devenir son disciple – il faut « haïr » - et qui insiste sur la difficulté, sur l'importance de la décision et ses conséquences non négligeables. « Si quelqu'un ne porte pas sa croix... »... comment comprendre ces paroles, et leur radicalité ?

Face à Jésus, la foule est assez hétéroclite. Il y a pas mal de curieux, et peu de gens véritablement en recherche de Dieu.
Aussi, Jésus va tenir des propos très radicaux déjà pour faire comprendre d'emblée à tous qu'il apporte autre chose, qui est plus qu'une sagesse ou un enseignement religieux, quelque chose de plus grand qui implique donc une rupture avec la vie ordinaire.
Jésus veut éviter qu'on ne le prenne à la légère, comme si la vie qu'il apporte pouvait être « utilisée » juste pour améliorer un peu la vie présente. Vouloir suivre Jésus ainsi, de façon superficielle, c'est passer à côté des choses, et Jésus ne veut pas cela.

C'est pour cela qu'il annonce clairement les choses : pour le suivre, un choix net va être nécessaire. Il faudra abandonner certaines choses. Et ceux qui le suivront devront le suivre jusqu'au bout.

Un choix net. En somme, Jésus pose ici la question de ce qui compte le plus : Dieu... ou notre famille ? Dieu... ou nous mêmes ?

Ce qui compte le plus. Ce qu'on préfére. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre le mot « haïr » ici. Nous pouvons donc être rassurés !
Le terme grec traduit ainsi est souvent employé dans le sens « d'aimer moins ». En Matthieu 10 : 29, il est dit par exemple « celui qui aime plus que moi ... ». La bible du Semeur traduit : « si quelqu'un n'est pas prêt à renoncer à son père... » Luc a gardé la formulation la plus choquante probablement pour interpeller le lecteur – et avouez que ça marche !
Mais jamais Jésus ne demande de détester les autres.

C'est vraiment cette idée d'un choix, d'une priorité qu'exprime Jésus ici. Pour le suivre, il faut être prêt à placer la relation avec lui avant les autres relations, avant tout le reste. Il faut relativiser les autres engagements que nous avons par rapport à celui-ci, le plus important de tous.

Difficile ?! Certainement. Voilà pourquoi Jésus, qui souhaite des disciples qui le suivent de tout leur cœur, les met en en garde : attention, réfléchissez bien : si mon enseignement vous interpelle, s'il vous semble attractif, et que vous voulez me suivre, vous ne pourrez pas le faire du bout des lèvres. Il faudra vous engager totalement. Etes-vous prêts à cela ?

Et en ce début d'année, la question nous est posée, à nous aussi : sommes-nous prêts à faire, ou refaire, ce choix clair de suivre Jésus ?

Interrogeons-nous, pour que notre engagement reste un engagement sincère.

Préférer, donc, plutôt que détester... d'accord. Mais quand même, on peut s'interroger : pourquoi être si radical ? Est-ce qu'on ne peut pas suivre Jésus sans aller si loin ?

Par cette formule, Jésus ne prêche pas l'ascèse, c'est à dire le renoncement à tout bien terrestre. Si on considère l'ensemble de son enseignement, cela apparaît clairement. Mais dans le fond, la demi mesure n'est pas possible, parce que pour être sauvé- c'est à dire pour entrer dans la vie avec Dieu, il faut sortir complètement de ce qui nous fait mourir. Trancher est parfois nécessaire. D'ailleurs Jésus dit ailleurs que si notre œil nous fait tomber dans le péché, il vaut mieux l'arracher et entrer borgne dans la vie éternelle !!

C'est un fait, si nous voulons vivre une relation en profondeur avec lui, et tenir bon face à toutes les situations où nous serons tiraillés, secoués, tentés... un choix clair est nécessaire.

D'autant que ce qui est en jeu ici, c'est notre avancée dans la vie nouvelle avec Jésus.
Pour entrer vraiment dans cette vie centrée sur l'amour, un détachement est nécessaire. Il nous faut nous détacher de certaines choses qui nous retiennent.

En premier lieu, nous détacher de nous-mêmes. Jésus parle ainsi de « haïr sa propre vie » et de « porter sa croix ». L'entrée dans le Royaume de Dieu est à ce prix.

Attention de bien comprendre ces paroles ! Il ne s'agit pas bien sûr de se martyriser, de se faire du mal ou de chercher la souffrance, loin de là. A Jérusalem certains refont le chemin de croix et se martyrisent !! L'Ecriture nous demande au contraire de prendre soin de nos corps. L'idée là encore est celle de la priorité : se haïr soi même, c'est ne plus aimer notre vie égocentrique, ne plus lui donner la première place. C'est accepter de mettre l'amour de Christ avant notre propre volonté, notre propre ego, nos biens ; c'est être prêt à renoncer à nos propres désirs et projets, nos petites fiertés, nos petits pouvoirs... en faveur de l'accomplissement de la Parole de Dieu.
En somme, ne plus vivre centrés sur nous-mêmes, mais nous ouvrir à Christ.
Sortir de notre sentier, qui ne mène qu'à la mort, pour entrer sur celui de Jésus, qui nous conduit vers la vie éternelle.

Et comment quitter notre propre chemin, si trop de choses nous lient ?

Détester ici, c'est donc se détacher - de ses proches, de sa propre vie. Jésus parle aussi ailleurs de l'attachement à l'argent, au pouvoir, au confort.. On pourrait dire : relativiser tous les autres liens qui entraveraient cette marche avec lui.

Relativiser, remettre à leur juste place... cela ne veut pas dire « couper les ponts ». Par exemple, Jésus n'est pas un chef de secte qui amènerait ses fidèles à se couper de leur famille.

Mais bien sûr, la famille est un des lieux où les liens sont les plus forts, et souvent les plus déterminants; les attentes, les projections sont souvent énormes, et rendent le positionnement personnel plus difficile. « On choisit ses copains mais rarement sa famille... », vous connaissez la chanson. Parfois ces liens seront un obstacle à la foi.
Bien sûr, Jésus pense d'abord aux situations de conflit, pour ceux qui voudront le suivre et se mettront ainsi en porte à faux avec la tradition religieuse de leur famille, par exemple.
Plusieurs parmi nous peuvent témoigner de ces situations douloureuses où l'on doit choisir entre Christ et sa famille, jusqu'à fuir parfois celle-ci. C'est le cas dans les milieux ou les pays musulmans, mais pas seulement.

Il faut se souvenir que Jésus lui-même a du faire ce travail de détachement. Il a vécu l'essentiel de sa vie en restant sur les rails familiaux, reprenant l'entreprise familiale. Un juif pieux de Nazareth, bien ancré dans son village, sa culture, ses traditions religieuses.
Et lorsque, à l'âge où l'on a déjà bien construit sa vie, il sort de Nazareth et commence son ministère, sa famille ne comprend pas. Marc dit en 3.21 : « les gens de sa parenté sortirent pour se saisir de lui, car ils disaient ; il a perdu la raison » !

Mais sans aller jusqu'à des situations de rupture aussi extrêmes, le désir de suivre Christ peut nous amener à des tensions plus légeres avec notre famille.
La peur des conflits peut alors nous amener à des compromis qui nous étouffent, et qui sont malsains pour tout le monde.

Là encore, il s'agit plutôt de prendre du recul, de la distance.

La théologienne Litta Bassett écrit à ce propos : « Tel est toujours l'enjeu essentiel : se séparer au sens de se différencier, de se rendre in-dépendant. On peut rester fortuné ou cultiver d'intenses relations familiales, pourvu que ces biens – matériels, affectifs – ne deviennent pas la seule raison de vivre ; c'est l'antidote au fameux « mon enfant, mon conjoint, ma mère, mon père, est tout pour moi » »1.

Et elle ajoute que cette prise de distance par rapport à nos proches est la seule condition pour que l'amour véritable puisse grandir entre les autres et nous.
Voilà un dernier enseignement, fort : paradoxalement, Jésus demande de « détester » pour nous aider... à aimer.
Il demande de se détacher de ce que nous aimons... pour mieux l'aimer ! C'est à dire pour l'aimer plus sainement.

En effet, les disciples de Christ sont appelés à aimer d'un amour intense, que ce soit l'amour conjugal, paternel, maternel, filial...
Or cet amour a besoin de liberté pour grandir.
Et si nous sommes trop attachés à nos proches, trop fusionnels, si nous investissons trop sur eux - nous risquons de les étouffer ! Et au final, est-ce que ce n'est pas encore notre moi que nous servons, en croyant aimer ?
On peut penser à ces graines de champion que leurs parents poussent à l'excellence, parfois pour réaliser à travers eux ce qu'ils ont eux mêmes échoué.

Trop d'inquiétude, trop de souci pour nos proches risquent aussi de nuire à leur épanouissement. …
A trop vouloir la conversion de nos enfants - pour leur bien ! - n'allons nous pas les braquer ?
L'amour fait confiance, et il nous sera impossible de lâcher cela... si nous ne faisons pas confiance à Jésus pour le faire à notre place.
Ainsi, là encore, nous devons préférer Jésus en le laissant prendre soin de ceux que nous aimons. Lui seul, Dieu tout puissant, peut veiller vraiment sur eux. Nous détacher ainsi de nos proches pour les remettre à Dieu est une démarche saine et libératrice, et il y a de cela, aussi, derrière le « détester » de Luc 14.

Une démarche libératrice. Oui, l'amour a besoin de cette liberté pour grandir, s'épanouir, une liberté que nos attachements excessifs aux choses, à un mode de vie, à des personnes... limitent facilement. Une liberté que la peur bride - peur que nos enfants « dérivent » loin des choses de la foi... peur du changement … peur d'évoquer les questions difficiles de la foi, comme celle de la souffrance ou de l'évolution... peur de la philosophie, de la psychologie qui pourraient « détourner de Dieu »... Chaque milieu a des bêtes noires !

N'ayons pas peur, comptons sur la grâce. C'est pour cela que nous devons nous détacher, pour laisser à ceux que nous aimons le loisir de suivre leur propre chemin, en ne comptant que sur la grâce de Dieu pour les accompagner. Sinon, quelle conception de la foi auront-ils ? Une foi qui n'ose pas réfléchir. Une foi qui repose sur la peur et la méfiance. On croit en Dieu pour qu'il nous protège du risque, on croit en lui comme on croit dans une assurance ou une porte blindée.
Mais tout cela étouffe l'amour.
La peur a souvent empêché les disciples de suivre Jésus - surtout au moment de la crucifixion. Si nous avons trop peur pour nos proches, pour nous-mêmes... notre amour va s'étouffer. Il nous faut les « mettre à distance »... et les confier à Dieu. Nous confier à Dieu aussi.

Est-ce que nous comprenons maintenant que ces exigences que Jésus pose ne sont pas des règles qui enferment, mais la condition pour que notre engagement soit libre, sans pression ? Pour que l'amour entre lui et nous soit sincère et profond ?

Soyons-en assurés, Jésus veut par dessus tout nous bénir, et bénir nos familles. Mais pour cela il est nécessaire que nous lui laissions la première place, pour qu'il puisse investir notre vie, et la transformer en profondeur. Pour que le souffle de l'Esprit puisse circuler dans nos relations, que les choses, les gens, les rêves... prennent leur juste place devant Dieu, la place qui leur revient - sans excès d'attachement ou de détachement.
Alors, sommes-nous prêts à lui dire « oui », au seuil de cette nouvelle année ? Sommes-nous prêts à faire ce choix de Dieu avant tout, à le placer comme choix principal, comme ligne directrice de notre vie ?
Que nous-mêmes nous puissions nous donner entièrement à ce Dieu qui se donne le premier, sans condition.
Et si nous nous sentons bloqués dans ce domaine, disons lui, simplement. Et demandons lui l'éclairage de son Esprit pour nous aider.
Car le même Jésus qui pose aussi ces conditions a dit aussi : « je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi » (Jn 6.36).
Choisissons de le croire, et de lui faire confiance en toutes choses.

Amen.


Prière de consécration.

Seigneur Jésus,
je viens vers toi, totalement.
Apprends moi à relativiser
Relativiser l'importance de tout ce à quoi je tiens
Parfois à l'excès
Relativiser ma propre importance
Apprends moi à te faire confiance
A te laisser prendre soin de mes proches, prendre soin de moi
Toi tu sais ce dont nous avons besoin
Je viens à toi, totalement
Viens à mon secours dans ta grâce
Amen




1L. Basset, Aimer sans dévorer